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NOTRE ACTUALITÉ - NOS ANALYSES

L’envers de l’histoire ou l’envers de la prospective

Photo du rédacteur: Nathalie PopiolekNathalie Popiolek

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Les croyances sous-jacentes aux exercices d’anticipation réalisés à travers le temps


C’est ce sujet que nous avons abordé (entre autres) avec les futurs diplômés du MBA Management de la Transition Énergétique des organisations et des territoires destinés à être "Managers du développement durable".


Mais pourquoi revenir sur les exercices d’anticipation menés à travers les siècles dans un cours de prospective énergétique voué à proposer des outils opérationnels pour la prise de décision aujourd’hui?


Dans l’esprit du MBA, il s’agit d’accompagner les cadres et les étudiants en alternance dans la prise de recul nécessaire pour comprendre les enjeux contemporains et mettre en place des stratégies efficaces pour y faire face. Or dans le domaine énergétique comme ailleurs, les décisions qui sont prises par les acteurs en présence (politiques, entreprises, citoyens) sont le reflet de leur vision du monde et des anticipations qu’ils font.


C’est la raison pour laquelle, les scénarios énergétiques de l’ADEME par exemple sont différents de ceux de RTE ou encore de l’AIE. Car la prospective qui apporte méthodes et outils pour se projeter dans le temps par scénarios incorpore dans les modèles, une dose non négligeable de facteurs humains, conditionnant de fait les choix politiques, économiques et sociétaux.


Pour en convaincre professionnels et étudiants et leur inspirer une réflexion critique, nous nous sommes appuyés sur les travaux de Bernard Cazes (1927-2013) qui fut chef de la division des études à long terme au Commissariat Général au Plan. De Saint Augustin à nos jours, de la philosophie antique à la science-fiction, ce haut fonctionnaire, économiste et essayiste a réalisé un panorama des différentes attitudes tenues par l'homme face à l'avenir (Cazes, 1986 et 2008). Il a pu observer à travers le temps et les auteurs, que la pensée anticipatrice relève de deux univers complémentaires, celui des symboles ou des significations, et celui des relations de causalité.


  • D’un côté, l’univers des symboles apparaît peuplé de croyances, d'espérances et de craintes relatives au futur, qui n'ont aucun caractère scientifique, puisqu'elles ne sont pas susceptibles d'être réfutées;

  • De l’autre, les figures de l'avenir pouvant prétendre à un statut scientifique, dans la mesure où elles reflètent une vision (partiellement) déterministe du monde.


C’est ainsi que tout exercice d’anticipation, dont celui qui consiste à élaborer des scénarios énergétiques à l’horizon 2050 par exemple, contient une part de prévision scientifique mais aussi une part de croyances et de subjectivité.


Bernard Cazes s’est efforcé de classer les réflexions sur l'avenir, toutes époques confondues, que ce soit en littérature, en philosophie, en sociologie ou encore en politique selon quatre rubriques, dont on peut constater qu’elles restent valables aujourd’hui. Il s’agit de quatre variations sur les thèmes de la civilisation et du progrès. Tout se passe, comme si les auteurs se posaient à leur propos les questions suivantes:


  • La civilisation moderne (avec ses nombreux attributs: sciences et techniques, industrie, urbanisation, démocratie et laïcité, etc.) poursuivra-t-elle son essor ou bien perdra-t-elle du terrain?

  • Cette extension (ou ce recul) de la civilisation va-t-elle de pair avec un progrès, ou y a-t-il au contraire régression par rapport à la situation actuelle?


La combinaison de ces deux paires d'interrogation fait apparaître quatre situations types:

A. Davantage de civilisation et progrès

B. Moins de civilisation et progrès

C. Davantage de civilisation et régression

D. Moins de civilisation et régression


Nous les avons reproduites en donnant quelques exemples, certains étant empruntés à B. Cazes, d’autres pas.

Typologie des visions du futur, d’après B. Cazes


L’extension de la civilisation va-t-elle de pair avec un progrès?


 

Oui

Non

La civilisation moderne poursuivra-t-elle son essor ?

A Davantage de civilisation et progrès

· Avènement d’une société sans classe souhaitée par Karl Marx

· Emergence d’une société post-industrielle ou d’une société de l’information

· La troisième révolution industrielle popularisée par Jeremy Rifkin (2012)

· Croissance verte de Yann Arthus-Bertrand

· Le "solutionnisme" technologique

C Davantage de civilisation et régression, anti-progrès

Contre-utopie, décadence moderne

· Tocqueville voyant l’individualisme comme une menace pour la démocratie

· Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1932)

· La déclaration de Gemma Malley (2007)

La civilisation moderne perdra-t-elle du terrain ?

 

B Moins de civilisation et progrès, rétro-progrès: refus plus ou moins radical de la civilisation moderne

· Halte à la croissance, Rapport Meadows (1972, 2004)

· Small is Beautiful: une société à la mesure de l’homme de Kurt Schumacher (1978)

· Courant néo-malthusien

· Le progrès m’a tuer: Leur écologie et la nôtre coordonné par La décroissance (2016)

D Moins de civilisation et régression

Décadence classique

· La chute de Rome

La chronique thématique des représentations de l’avenir que nous offre Bernard Cazes permet de prendre du recul par rapport aux scénarios de transition énergétique sur lesquels se fondent les politiques publiques. Ces scénarios contiennent une part d’éléments subjectifs et de croyances inhérentes à l'institution ou au groupe d'experts qui les a développés. Cela a surpris une partie de la salle... Il est pourtant vrai que tout modèle incorpore une part de facteurs humains.


Références : B. Cazes, Histoire des futurs : les figures de l'avenir, de saint Augustin au XXIe siècle, Seghers, 1986. Nouvelle édition revue et augmentée, avec une préface d'Emmanuel Le Roy Ladurie, L'Harmattan, 2008.



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