Lundi 4 décembre 2023 matin, j’ai été reçue à Hôtel de Boncourt, rue Descartes à Paris par Mme Andréane BOURGES, Conseillère innovation, numérique et entreprises, du Cabinet de Mme Sylvie RETAILLEAU, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Nous avons échangé sur le thème de la transition écologique dans l’industrie manufacturière.
En volume de gaz à effet de serre (GES) à abattre (scope 1: émissions directes sur site), cette industrie constitue le troisième poste de décarbonation en France, derrière les transports et l’agriculture, devant les bâtiments et la production d’énergie (CGDD, Les chiffres-clés du climat 2023).
L’agriculture et la sylviculture représentent 19% des émissions.
L’industrie manufacturière et la construction 18%.
L’usage des bâtiments et les activités résidentiels et tertiaires 16%.
L’industrie de l’énergie 11%.
Le traitement centralisé des déchets 4%.
Pour tous ces secteurs, les émissions sont en baisse.
Pour réduire ses émissions, l'industrie manufacturière peut actionner deux leviers principaux, la réduction de l’intensité énergétique de la production d’une part et la réduction de l’intensité carbone de l’énergie d’autre part (voir figure ci-dessous).
Cela nécessite de réaliser des investissements conséquents dont le retour n’est pas garanti en raison de l’incertitude (risques technologiques, financiers, de transition, etc.) qui pèse sur les futurs cash-flows.
L’incertitude est particulièrement élevée pour les investissements dans la Recherche innovation développement (RID). Et pourtant il s’agit là de la clé de la réussite si l’on veut apporter des solutions innovantes aux défis de la transition et éviter les "dilemmes sacrificiels" du type maintien de la compétitivité OU préservation de l’environnement.
Alors comment favoriser la RID en faveur de la décarbonation de l’industrie?
Par un accompagnement, une réglementation, des normes, les États peuvent "pousser" les entreprises à le faire. En France, cela revêt la forme de différents dispositifs à l’instar par exemple des contrats de filières du Conseil national de l’industrie (CNI) ou encore des programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) portés par France 2030. Avec son pacte vert, l’Europe donne aux pays membres, un cadre commun et apporte des moyens: Innovation Fund, Horizon Europe, plan industriel, European Union Emissions Trading System (EU ETS), Important Project of Common European Interest (IPCEI), etc.
Cependant, pour un industriel, la décision d’investir dans la transition (comme l’impact de cette décision) ne dépend pas seulement des politiques publiques qui sont mises en place. Le contexte sociotechnique (passé, présent et futur) du secteur d’activité est tout aussi crucial.
Il s’agit notamment:
de l’organisation de l’industrie (filière, chaine de valeur) et de sa propension à innover,
de l’organisation du système de recherche et d’innovation,
mais aussi des attentes de la société et des valeurs qu’elle porte.
Or, ce triptyque industrie, science et société diffère d’un pays européen à l’autre et l’État doit en tenir compte pour concevoir ses politiques d’innovation en faveur de la transition industrielle. Une mesure adaptée au contexte français ne l’est peut-être pas, par exemple, de l’autre côté du Rhin. L'interdiction à la vente en 2035 des véhicules thermiques, n'a-t-elle pas été reçue différemment par les constructeurs automobiles français et allemands?
Il pourrait être intéressant de réaliser une cartographie des facteurs sociotechniques influençant les industriels dans leur décision d’investir en faveur de l’innovation verte. Une comparaison France-Allemagne ciblant les industries manufacturières les plus émettrices de GES (ciment, acier, chimie), pourrait être très judicieuse.
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