Une table ronde organisée par le Syndicat national des industries du Plâtre (SNIP), « Pour une industrie du bâtiment française et durable : Comment assurer un approvisionnement et une production de proximité ? » a eu lieu à l'Hôtel de l'industrie (4 Pl. St-Germain à Paris VIème), le 11 octobre 2023.
Les industries du plâtre en France, locales de manière structurelle (de la carrière à l'installation dans le bâti en passant par des étapes de fabrication et de transport) sont à la croisée de trois défis majeurs pour la transition écologique et la réindustrialisation des territoires:
celui de la décarbonation de l’industrie dans l'objectif d'atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 tout en préservant sa compétitivité,
celui de la rénovation énergétique des logements et des bâtiments tertiaires pour atteindre la neutralité carbone tout en poursuivant un objectif social de lutte contre la précarité énergétique,
celui de la planification territoriale en poursuivant l'objectif de promouvoir l'emploi et de faire émerger des projets de construction et d’aménagement, tout en préservant l'environnement et en améliorant le cadre de vie des citoyens.
Alors comment la filière du plâtre se prépare-t-elle à relever ces défis pour se projeter dans le futur?
Une belle étude de cas d'analyse prospective dont nous proposons juste de poser les jalons après avoir écouté un panel d'acteurs venus débattre des enjeux de la filière, le 11 octobre 2023 à l'Hôtel de l'industrie à Paris, dans le cadre d’une rencontre organisée par le Syndicat national des industries du plâtre (SNIP).
Autour des tables rondes se trouvaient réunis les industriels eux-mêmes représentés par leur syndicat professionnel, le SNIP, les élus locaux, en l'occurrence deux députés, l'un des Yvelines et l'autre du Haut-Rhin, un sénateur de l’Oise, membre de la commission des Finances et un universitaire, professeur de géographie économique et industrielle à Reins.
Le premier jalon de l'analyse prospective, c'est une analyse de l'existant avec:
un rappel des chiffres clés de la filière (Valérie Lebon, voir encadré 1),
sa manière de mobiliser les compétences,
son outil technologique de production,
sa capacité à recycler (cf. engagement pour la croissance verte relatif au recyclage des déchets de plâtre signé le 27 avril 2016),
l'organisation de sa chaine de valeur et de son maillage avec les autres industries,
son modèle économique (dont il a été dit qu'il réussissait à allier qualité et compétitivité),
etc.
C'est aussi une analyse du contexte économique, social (eu égard notamment au vivier de personnes formées), politique et législatif.
C'est un retour historique qui aide à comprendre la situation actuelle: la désindustrialisation du pays s'est produite car nous avons été pressés de diminuer les coûts (Raphael Shellenberger). Cela a eu des conséquences économiques et sociales certaines mais également un impact sociétal avec ce que François Bost appelle la désindustrialisation des esprits.
Encadré 1 : Les chiffres clés de l’industrie du plâtre en France
1,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires,
100 000 emplois directs et indirects,
4 Millions de tonnes de gypse extraits chaque année,
325 millions de mètres carrés de plaques de plâtre commercialisées par an,
13 000 entreprises avec 3 grosses entreprises,
10 centres de formation.
Le second jalon, c'est l'analyse des facteurs de changement. Et, pour une industrie locale comme l'est la filière plâtre, le changement auquel elle doit se préparer, est principalement impulsé par les politiques de transition et l'évolution de la législation française (et européenne). Il s’agit précisément de la législation qui affecte:
l'industrie (cf. projet de loi sur l'industrie verte définitivement adoptée par le Parlement le 11 octobre 2023, encadré 2),
le bâtiment (objectif neutralité carbone),
le territoire avec l’objectif "zéro artificialisation nette" qui modifie la disponibilité du foncier afin de protéger les sols et les forêts qui constituent les indispensables puits de carbone.
Pour le projectiviste, le troisième jalon concerne:
d’une part l'élaboration des scénarios d'évolution du contexte (car il y a de nombreuses incertitudes, qu’il s’agisse du contexte législatif mais également de l'environnement économique, social et technologique),
et d’autre part, la définition des leviers d'action de la filière pour innover et préserver une activité rentable qui soit durable à long terme.
Encadré 2 : Le projet de loi sur l'industrie verte a été définitivement adopté par le Parlement le 11 octobre 2023. Il comprend notamment les éléments suivants (Bruno Millienne):
L’accélération de l’implantation des industries facilitée par la mise en parallèle des différentes procédures de demande d’autorisation ;
L’implication des maires, le choix final devant leur revenir ;
L’identification des entreprises les plus vertueuses (le Triple E) avec:
un référentiel pour chaque type d’entreprises adapté aux spécificités des filières,
un calendrier d’accompagnement,
30 critères environnementaux qui concernent uniquement les processus de production ;
Une commande publique qui favorise davantage les produits vertueux sur le plan environnemental.
Les échanges qui ont eu lieu durant la matinée à l'Hôtel de l'industrie ont montré que les acteurs de la filière plâtre s'y préparaient tout en mesurant l'ensemble des défis à relever à commencer par les difficultés:
à obtenir les autorisations d'exploitation de nouvelles carrières,
à recruter les talents et à faire à nouveau rêver,
à rester compétitifs face à l'exigence des normes environnementales françaises comparées aux normes beaucoup moins sévères de certaines puissances de l'OMC.
Comme cela a été dit, dans un monde où les facteurs de productions vont se renchérir (le foncier va coûter de plus en plus cher, les contraintes environnementales vont renchérir les coûts de production), il va falloir accepter de réduire les bénéfices qui provenaient de l’externalisation des activités hors du territoire national (comme le préconisaient les adeptes de la théorie des avantages comparatifs de Ricardo). C’est le prix à payer pour la souveraineté, qui à terme, bénéficiera au pays et à tous (Jérôme Bascher).
Alors il convient de valoriser l’existant certes, mais également de réinventer et d'imaginer les industries de demain en s'appuyant sur la transition écologique pour entrainer les équipes.
La sobriété peut être un levier (y compris pour la compétitivité) car elle peut conduire à de nouveaux modèles de production: circuits courts, déchets valorisés en ressources, chaleur fatale récupérée pour d’autres usages, etc.
De même le dispositif de la Responsabilité élargie du producteur (REP) peut se concevoir d’une façon innovante en invitant la filière à réfléchir en termes d’économie de la fonctionnalité comme cela se fait par exemple pour l’informatique où le matériel, qui est en leasing, est conçu pour durer longtemps (sans obsolescence programmée).
Si l'arrivée des nouveaux modèles d'usage a été évoquée dans les échanges, comme l’a été aussi l’introduction de l’intelligence artificielle (AI) pour optimiser les procédés (Aymeric Daudet), il serait utile d’approfondir encore la réflexion sur processus d'innovation dans l’ensemble de la filière, en mobilisant également les acteurs de la R&D, afin de mettre véritablement sur la table un large panel de solutions créatives aptes à relever les défis sur le long terme.
Pour aller plus loin : appel à une analyse prospective
Selon la citation reprise en conclusion, "Rome ne s’est pas faite en un jour" (Christine Muscat). Cependant, avec la contrainte climatique, l’enjeu de la transition verte dans l’industrie est de mettre en place rapidement les innovations attendues (comme celles que l'on n'attend pas!).
En structurant l’information disponible, en aidant à faire dialoguer tous les acteurs concernés (y compris les chercheurs) et en sachant croiser incertitudes et leviers d’action, une analyse prospective bien menée peut aider à relever ce défi.
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